Cyclisme : Superbagnères 1986, Hinault face à la parole donnée

© Raymond Poulidor during the 2nd Stage of Tour de France 1976 from Angers to Caen on June 26th 1976 ( Photo JC Buguin / Icon Sport )

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Malmené par Stephen Roche à la fin du Tour 1985, Bernard Hinault, diminué par sa très lourde chute à Saint-Etienne, avait pu décrocher un cinquième succès grâce à l’attentisme de son équipier Greg Lemond, qui avait accepté de ne pas jouer sa carte. Reconnaissant, le Blaireau avait publiquement promis, le soir de l’arrivée à Paris, qu’il aiderait l’Américain à gagner son Tour de France l’année suivante. Un an plus tard, le 15 juillet 1986, Bernard Hinault se retrouve en face de cette promesse, maillot jaune sur le dos…

En ce mardi 15 juillet, au matin de la 13e étape du Tour 1986, Bernard Hinault se lève maillot jaune sur le dos, après avoir littéralement assommé la course la veille, entre Bayonne et Pau, au terme d’une première étape pyrénéenne absolument grandiose, menée à un train d’enfer, qui vit le champion français arriver aux côté de Pedro Delgado avec plus de 4’30’’ d’avance sur Herrera et Lemond. Et plus de 5’30’’ sur le reste des favoris, de Robert Millar à Urs Zimmermann. Lui qui avait promis l’année précédente d’aider son coéquipier américain Greg Lemond à gagner le Tour, le voilà en passe d’aller décrocher un sixième succès à Paris.

Herrera et ses équipiers font voler le peloton en éclats dès le Tourmalet

C’est dans ce contexte que s’ouvre la deuxième étape pyrénéenne entre Pau et Superbagnères, par les cols du Tourmalet, d’Aspin et de Peyresourde avant la montée finale vers Superbagnères. Dès le Tourmalet, Herrera, bien décidé à prendre sa revanche, fait rouler son équipe Café de Colombie. Au sommet, ils ne sont plus qu’une petite quinzaine. Hinault est là. Le champion français pourrait se contenter de suivre, il a une telle avance au général. Mais il n’en est rien. Hinault attaque dans la descente du Tourmalet et prend rapidement deux minutes d’avance.

L’attaque d’Hinault dans la descente du Tourmalet ouvre un débat historique…

Que cherche-t-il ? Pourquoi attaquer ? Pour inscrire encore plus la marque d’un sixième Tour dans le marbre de l’histoire ? Ou pour obliger les rivaux de l’équipe La Vie Claire à s’épuiser derrière lui, et ce afin d’ouvrir le terrain pour son équipier Greg Lemond et ainsi honorer sa dette ? Hinault s’est toujours défendu de n’avoir pas fait autre chose que jouer la carte Lemond, lâchant un argument irréfutable : « Si j’avais voulu gagner le Tour, j’aurais suivi jusqu’à Paris ». Aujourd’hui encore, ces questions hantent les historiens du Tour, laissant ouvert un débat légendaire. Pourtant, la réponse est peut-être toute simple : et si c’était les deux ? En attaquant dans la descente du Tourmalet alors qu’il a 5 minutes d’avance au général, il est clair qu’Hinault ne joue pas la victoire finale. En revanche, il ne laisse pas d’autres choix à Lemond que d’être à la hauteur de la situation.

Autrement, il ira chercher son sixième tour.

Ce que l’histoire retiendra

Quoiqu’il en soit, Hinault embraye dans les faux-plats montants avant Aspin, qu’il franchit avec plus de deux minutes d’avance sur les ténors du peloton. Herrera, Zimmermann, Millar, Criquielion, etc, tous roulent à bloc pour tenter de limiter la casse. Lemond, lui, attend effectivement son heure. Dans les derniers kilomètres du col de Peyresourde, ils ne sont plus que cinq derrière Hinault : Herrera-Zimmermann-Millar et Lemond-Hampsten, les deux équipiers américains du champion français. Le maillot jaune se fait finalement revoir dans la descente vers Bagnères de Luchon, à l’amorce de l’interminable montée de Superbagnères. Pour Hinault, l’heure du tocsin a sonné. Victime d’une fringale, le maillot jaune décroche dès le pied de la montée, laissant désormais à Greg Lemond le soin de transformer son raid en victoire. Le coureur américain ne laissera pas passer sa chance. Il démarre à 10 kilomètres du sommet, dans la foulée de son équipier Andy Hampsten. Derrière, c’est chacun pour soi, chacun pour sa survie. A l’arrivée, Lemond l’emporte avec 1’12’’ d’avance sur Robert Millar, 1’15’’sur Urs Zimmermann et 1’51’’ sur Lucho Herrera. Hinault, lui, franchit la ligne en 11e position, à 4’39’’. Il conserve le maillot jaune pour moins d’une minute, mais l’histoire pourra retenir qu’il a bien honoré sa parole. Dix jours plus tard, Lemond sera bien en jaune à Paris.

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