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Nous sommes dans les pentes du vieux Quaremont en ce premier dimanche d’avril 1992, jour de Tour des Flandres. Le bruit est intense, la foule hurle sa passion et son admiration pour ces guerriers de la route venus se frotter à la plus rude des classiques, le Tour des Flandres, aussi prestigieuse dans l’histoire que l’enfer du Nord de Paris-Roubaix.
Dans le Vieux Quaremont, il repense à l’an dernier
Devant la foule des spectateurs massée sur le bord de la célèbre bosse pavée située à 80 kilomètres de l’arrivée, un groupe d’échappés, en tête depuis deux ou trois heures maintenant, se disloque dans la pente. En tête, un inconnu français ouvre la route, Jacky Durand. Il a mal aux jambes, mais en fait il ne sent rien, transcendé par les cris de la foule, la tension, la furia, l’hélicoptère…
Les images passent déjà dans la tête du Mayennais, qui se souvient à cet instant précis qu’un an auparavant, il passait dans ce même mur parmi les anonymes, autour de la 150e position d’un peloton qui n’en était déjà plus un, en pleine détresse physique. Cette fois, Jacky Durand est devant, et il n’a pas mal. Ou plus mal. Le Français sent se lever le vent de l’histoire, comme une décharge qui lui traverse l’échine et le pousse au bout de lui-même. Vers la transcendance.
Vers son salut.
Tour des Flandres 1992 : Jacky Durand se souvient. La dernière victoire française sur le Ronde. Une course à suivre dimanche prochain à partir de 13h35 sur @France3tv #cyclisme pic.twitter.com/gE7uno3FYA
— Stade 2 (@stade2) March 25, 2018
Et la voiture d’Eddy Merckx arriva à sa hauteur…
Jacky Durand bascule au sommet avec 20 minutes d’avance sur le peloton. Il reste encore 80 kilomètres, la légende peut s’écrire mais elle n’a pas encore donné son accord. Car sur une telle course, les écarts se refont très vite et les défaillances sont lourdes… L’échappée continue de s’essorer, en même temps que son avance fond. Dans le Bosberg, la dernière ascension du parcours, ils ne sont plus que deux : Durand et le Suisse Wegmuller. Le Suisse craque mètre après mètre et Durand bascule en tête. Il entrevoit le rêve. Mais il lui reste encore du chemin. Et quel est l’écart avec la suite ? Deux minutes ? Une minute ? Trois minutes ? Impossible de savoir. Durand a cru comprendre que ça revenait très fort de derrière, que Van Hooydonck et Fondriest avaient attaqué et qu’ils fondaient sur lui, mais il n’a aucune information sur l’écart…
A ce jour, seuls trois Français ont remporté le Tour des Flandres : Louison Bobet (1955), Jean Forestier (1956) et Jacky Durand (1992). pic.twitter.com/6DDXjGXGuL
— David Guénel (@davidguenel) March 30, 2022
Le Français serre les dents, et jette tout ce qu’il lui reste pour tenter de maintenir une avance. Impossible de craquer maintenant si près du but, lui qui était parti le matin juste dans l’espoir d’éviter le chantier du Vieux Quaremont au sein du peloton. Et puis, à 5 kilomètres de l’arrivée, la voiture de direction de course monte à sa hauteur. Eddy Merckx est au volant. La légende belge baisse alors sa vitre et lui glisse : « Petit, tu vas gagner le Tour des Flandres ». Jacky serre son guidon et regarde devant. Quelques hectomètres plus loin, l’inconnu français réalise le « hold-up du siècle » devant le grand public belge… qui le matin ne savait même pas qu’il y avait des Français au départ.