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Quelques jours avant le départ de ce Tour d’Italie 1980, Jean-René Bernaudeau, premier lieutenant de Bernard Hinault au sein de l’équipe Renault et grand espoir du cyclisme français derrière le champion breton, apprend la terrible nouvelle du décès accidentel de l’un de ses frères, Olivier. Dévasté, le jeune coureur français, 5e du Tour de France l’année précédente, est convaincu par sa famille de prendre malgré tout le départ. Mais la première partie de l’épreuve laisse Bernaudeau au bord de l’abandon à plusieurs reprises, terrassé par la tristesse. Un jour, alors qu’il met pied à terre dans un col pour tout plaquer, le vieux Bernard Quilfen fait demi-tour pour aller le chercher et l’encourager à continuer. A côté de son coéquipier, le Vendéen se remet en selle. Et grâce au soutien de toute son équipe, Bernaudeau retrouve petit à petit le goût de la vie.
Et le goût de la course.
Hinault and Bernaudeau – Giro 1980 pic.twitter.com/YW0ho1ck80
— classicretro (@classicretro) May 9, 2016
Et Bernaudeau entra en résilience au milieu des murs de neige du Stelvio
Et le 5 juin 1980, au matin de la 20e étape entre Cles et Sondrio (221 kilomètres) se dresse le géant du Tour d’Italie, le Stelvio, avec ses 27 kilomètres de montée, ses 2750 mètres d’altitude et ses passages à 16%. Bernaudeau s’échappe rapidement dans un groupe, où deux équipiers (Becaas et Le Guilloux) roulent à fond pour creuser. Au pied du Stelvio, après un premier col franchi, le groupe a cinq minutes d’avance. Un nouveau coup tactique de haut vol prend doucement forme dans l’esprit de Guimard. Car derrière, Hinault n’a pas le maillot rose, toujours sur les épaules de Panizza depuis leur coup de force de la 14e étape. Après le sommet du Stelvio, il restera plus de 50 kilomètres, dont 30km de plat (ou presque) jusqu’à l’arrivée… Hinault se met d’accord avec son boss, il embrayera à fond à mi-col pour tenter ensuite de faire la jonction avec Bernaudeau.
#Hinault gagna le #Giro 1980 dans le #Stelvio après être allé sur la tombe de Coppi.
"C’était un hommage à un champion. Quand on est l’hôte d’un pays pour une course comme le Tour d’Italie, et que l’on n’est pas très loin de la tombe de ce champion, on se doit d’aller le voir." pic.twitter.com/MfCjWYgiyI— Bertrand Beyern (@BBeyern) October 22, 2020
« Suis-moi, si je crie c’est que ça passe, si je ne dis rien, c’est que je suis tombé »
Car ce dernier s’est envolé devant. Il a laissé tous les membres de l’échappée loin derrière et ouvre la route au milieu des murs de neige, offrant le spectacle grandiose d’une épopée de haute montagne. Au sommet, Bernaudeau a dominé sa peine et le Stelvio. Il bascule avec 45 secondes d’avance sur Hinault, qui a laissé tout le monde éparpillé derrière. Bernaudeau attend son leader et lui glisse : « Suis-moi, je descends à fond. Si tu m’entends crier, c’est que ça passe, si tu n’entends rien, c’est que je suis tombé ». Bernaudeau réalise une descente de tous les diables et en bas, le duo a tout écrasé. Dans la vallée jusqu’à Sondrio, malgré une côte difficile de plusieurs kilomètres non indiquée sur le road book, ce qui provoquera les hurlements de Bernard Hinault envers la voiture de direction de course, le Breton et le Vendéen réalisent un vrai chef d’œuvre, maintenant un rythme effréné pour concasser le Giro.
A l’arrivée, Hinault laisse la victoire à Bernaudeau, qui lève les bras dans une magnifique démonstration de résilience, alors que lui prend le maillot rose. Les premiers poursuivants, avec Battaglin, Panizza et Baronchelli sont à 4’24’’. Saronni, Moser et tous les autres finissent à la nuit… Le duo Bernaudeau–Hinault vient d’entrer dans la légende du Tour d’Italie.