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Alors que le duo Hinault-Lemond entre dans la légende à l’Alpe d’Huez en ce 21 juillet 1986, franchissant la ligne main dans la main après une étape mémorable, essorant tous leurs adversaires à commencer par Urs Zimmermann, troisième à l’arrivée à plus de 5 minutes, un drame appartenant lui aussi à l’histoire du Tour se joue très loin derrière, où titube Lucho Herrera…
En ce matin du 21 juillet 1986, alors que se profile la 18e étape du Tour entre Briançon et l’Alpe d’Huez, Lucho Herrera contemple les sommets ensoleillés en direction du Galibier et se souvient. Deux ans auparavant, il avait triomphé à l’Alpe d’Huez, devenant le premier Colombien de l’histoire à remporter une étape, inscrivant à jamais son nom dans la légende. Onzième au général à Briançon, le leader de l’équipe Café de Colombie se doit une revanche. La veille, au sommet du terrible Granon, il a pris un éclat, finissant 49e à 16’26’’ du vainqueur Eduardo Chozas, réduisant à néant ses chances de victoire ou de podium à Paris. Aussi, lorsqu’il contemple les cimes du Galibier, alors que plus loin, de l’autre côté du Lautaret, se trouvent la vallée de l’Oisans et la montée de l’Alpe d’Huez, Herrera repense à son triomphe passé et sent de nouveau l’appel de la gloire.
Herrera s’envole dans le Galibier
Dès les premiers kilomètres de l’étape, au sortir de Briançon, alors que le peloton s’approche du Lautaret, Lucho Herrera se porte en tête dans un groupe d’une petite dizaine d’unités. Au passage du Lautaret, quand le Galibier se cabre pour offrir des pentes plus sévères, le Colombien accélère et se dégage en tête. Seul le Suisse de l’équipe La Vie Claire, Guido Winterberg parvient à le suivre. Debout sur les pédales, Herrera paraît danser au-dessus du Galibier. Son rythme est infernal, happé par la perspective de retrouver l’Alpe d’Huez et la légende. Au sommet du Galibier, Herrera passe seul en tête. Winterberg est à 10 secondes, le groupe Hinault-Lemond-Zimmermann à 1’33’’. Herrera paraît parti pour un raid de légende. La légende, en effet, s’invitera bel et bien dans la roue du Colombien ce jour-là, mais probablement pas là où il l’aurait espérée…
21 juillet 1986, sommet de l'Alpe d'Huez. pic.twitter.com/uLbnDYygeU
— David Guénel (@davidguenel) July 21, 2022
Balloté dans la Maurienne
Car Bernard Hinault attaque dans la descente du Galibier avec Lemond à ses côtés et lance les grandes manœuvres. Dans l’appendice du Télégraphe, Herrera est revu par un groupe de cinq avec Hinault, Lemond, Bauer, Zimmermann et Ruiz Cabestany. Soudain, alors que la longue descente du Galibier, via le Télégraphe, se termine, Herrera sent son coup de pédale s’alourdir. Alors que Hinault profite du vent dans la vallée de la Maurienne pour disloquer le groupe et partir en compagnie de Ruiz Cabestany et Lemond, Herrera lui explose dans les rafales. Balloté sur les larges routes de la Maurienne, le Colombien perd la roue de Zimmermann et parvient à accrocher comme il peut celles du groupe des poursuivants, emmené par Millar et Delgado, qui connaîtront tous deux une défaillance terrible par la suite, le premier épuisé par les coups de boutoir d’Hinault depuis le départ. Quant à Delgado, terrassé par la nouvelle du décès de sa mère en Espagne, il abandonnera dans la Croix de Fer.
L’inoubliable arrivée au sommet de l’Alpe d’Huez entre Lemond et Hinault (Tour 1986).pic.twitter.com/oVTBv1OSaL
— David Guénel (@davidguenel) July 8, 2022
L’agonie dans la Croix-de-Fer…
Dès les premières rampes du col, Lucho Herrera est décroché du groupe de poursuite et s’apprête à vivre l’enfer. Dans l’interminable montée de la Croix-de-fer, le petit grimpeur colombien connaît une terrible défaillance, titubant sur la route. Dépassé par les coureurs les uns après les autres, à l’agonie, il se retrouve dans les tréfonds de la course au moment d’aborder l’Alpe d’Huez. Si loin de son triomphe d’il y a deux ans, Herrera se retrouve quasiment devant la voiture balais, suivi par son directeur sportif Raphaël Geminiani, qui ne veut pas abandonner son champion dans la détresse. La montée de l’Alpe d’Huez sera un calvaire. Dans les trois derniers kilomètres, Herrera retrouve un semblant de force et laisse sur place ses derniers compagnons de galère. A l’arrivée, il finit 129e (sur 135 classés) à 26’54’’ du vainqueur Bernard Hinault. Après être passé en tête au Galibier. Oui, ce jour-là, Herrera est à nouveau entré dans la légende pour avoir connu l’une des défaillances les plus spectaculaires de l’histoire.